Pèlerinage Lorrain pour quelques CAF

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Nous renouvelons cela depuis 4 ans au cours du mois de janvier et retrouvons avec plaisir quelques solides amitiés. Nous étions sept, cette année, Bertrand, Fabien, François, Michel, Pascal, Philippe et moi.

Les années précédentes, nous avions chassé deux journées archers-only (les Fourasses à proximité de Nancy et Commercy) … complétées par une ou deux journées “battues mixtes”. Les calendriers des Fourasses et de Commercy ne coïncidaient pas avec le nôtre … dommage ! Nos contacts locaux – archers – nous avaient prévu 4 “intégrations” à des battues mixtes … l’exercice est difficile : bien sûr, du bon et du moins bon !

Vendredi, Forêt de Haye à proximité de Nancy, petit comité de carabiniers et nous (+ quelques locaux, soit un total de 10 archers), Olivier s’efforce d’optimiser notre ligne … sans réel succès ! François, du haut de son auto-grimpant lâche en vain, mais sans dommage, une flèche sur un chevreuil que j’avais aperçu de loin ! … ma seule rencontre de la journée. Les sangliers, relativement présents, mais malins se jouent des rabatteurs et chiens … un seul sera victime d’une balle. Rien de particulier à signaler !

Samedi et dimanche direction les Vosges ! Pierre Percée pour être précis. Intéressant pour nous, gens des plaines. Relief, comment dire ! … dépaysant ! La végétation nous est plus familière, mélange de haute futaie et régénérations, mais aussi d’immenses sapinières très sombres !

Première traque : notre chef de ligne semble bien connaître son affaire … moins bien notre problématique de chasseurs à l’arc. Pourtant quelques archers sévissent sur le massif. Il compose au mieux et place en retour dans une pente : un carabinier, puis Michel le long d’une bande de feuillus, un peu sale, puis moi au delà de cette bande dans une futaie bien claire – je lui indique que cela ne me pose aucun problème – et enfin lui, à une soixantaine de mètres de moi dans le clair toujours . Il me voit parfaitement. Nous sommes un peu en surplomb d’une petite route. La poussée intéresse l’enceinte au-delà de la route.

Un mot sur les objectifs : sangliers ad libitum en respectant les règles habituelles de bon sens , chevrillard (je crois que nul n’en verra au cours des deux jours) et pour les cervidés : faon sans restriction, une bichette … et une seule, un daguet … et un seul – donc rigodon de rigueur en cas de réussite – enfin, cerf uniquement pour les actionnaires … pardon, pour les partenaires, … selon leur réalisation antérieure !

Les traqueurs et leurs chiens démarrent – très lentement – devant nous . A peine se sont-ils fait entendre que les claquements d’un feu nourri nous parviennent depuis l’autre extrémité de l’enceinte. Les copains nous raconteront par la suite qu’ils se sont retrouvés au milieu de cette pétarade, des sangliers jaillissant de toutes parts. Pascal a eu une occasion … anéantie par la poudre !

De notre côté, calme plat ! … ou presque …

Une biche accompagnée de son faon se défile, traverse la route à une trentaine de mètres à ma gauche, puis suit la route en dessous de moi . Je suis, debout, collé à mon arbre, un énorme hêtre, plus de deux fois large comme moi . Arrivés à mon niveau, ils prennent le parti de monter vers ma position, tranquillement, au pas, peut-être au petit trot .

Un tradi, flèche encochée, c’est encombrant. Je n’ai qu’une possibilité : un tir sur la droite … ¡Ojala! … Ils sortent du bon côté, en reprenant, avant même d’être parvenus à ma hauteur, sans doute troublés par ma présence, mal perçue, une trajectoire à nouveau parallèle à la route, sans précipitation, au même train . Ils sont là, à ma droite, la biche en tête à cinq-six mètres, puis sept, huit, dix mètres … Je monte mon arc … à moitié … sans réaction de leur part . Le faon, un peu en retard, me présente son trois-quarts arrière . Un doute m’envahit très vaguement. Je n’ai que rarement été confronté à des cervidés si près … un arc en main. Leur train n’a pas varié. Douze … puis quinze mètres, conséquence de ce petit flottement. C’est mort ! Ils s’immobilisent à une trentaine de mètres à ma droite dix – quinze secondes, en travers puis remontent calmement au niveau du sale … C’est pour Michel, pensé-je !

En fait, ils sont plus à sa droite. Il ne les verra pas. Une déflagration retentit … la biche redescend, au galop, seule, cinquante mètres plus loin, saute la route pour rejoindre l’enceinte d’où elle venait.

La tension retombe. Je me rassois … quel nigaud je suis ! … une telle occasion ne peut se représenter de sitôt. Néanmoins, je reste persuadé d’avoir fait le bon choix … je n’ai jamais obtenu de bons résultats, un doute à l’esprit … c’eût été tellement plus simple face à la triade biche-bichette-faon … ¡Es asi!

Je revis la scène sans trop d’états d’âme … un mouvement sur ma gauche me sort de mes élucubrations. Il ne s’est pas déroulé dix minutes. Au même endroit, un ou deux animaux viennent de couper la route. La même scène se rejoue. Je ne rêve pas : une biche et son faon. Ils sont arrêtés, près de la route. La biche est masquée par un taillis, je situe mal le faon … mais je suis assis. C’est le seul moment, si le scénario est respecté, durant lequel je pourrai me lever … j’en profite. La biche prend la même voie que la précédente, même tempo. Un petit chien, un peu plus loin, les pousse. Le faon s’est mis en mouvement … nerveusement … il m’a capté. Ils parcourent une quinzaine de mètres le long de la route de mon côté, puis retraversent et disparaissent, sans précipitation, dans l’enceinte de départ, malgré leur poursuivant. Je ne pourrai saisir cette seconde chance.

CRW_5019Rien de notable jusqu’à la sonnerie libératrice … mon voisin-carabinier vient me récupérer, il n’en a pas perdu une miette et me lance, taquin : “ils ne vous convenaient pas !“. J’essaie de lui expliquer mon imperceptible doute faon-bichette … qu’à l’arc, lâcher sa flèche, un trouble à l’esprit, est souvent amèrement regretté … pas certain qu’il ait pu comprendre ! Nous remontons le reste de la ligne et retrouvons Michel – qui, posté trop en retrait, n’a pu participer – et le tireur devant le faon resté sur place. Mon voisin, chef de ligne, perçoit, alors mieux mon doute et hésite à apposer le bracelet “Faon” qu’il a en poche … il attendra confirmation d’un ancien !

Retour au rendez-vous … la neige annoncée commence à tomber … de plus en plus fort … rapidement la forêt se voile de blanc.

J’ai bien sûr droit à quelques gentilles “moqueries”. La moitié de notre équipe n’est toujours pas de retour … où sont-ils ? Ils transportent le casse-croute, merde !

En fait, ils ont essayé d’aider un des actionnaires immobilisé dans une pente où il n’aurait pas dû s’engager. Il est coutumier du fait. Fabien en a profité pour vider quatre sangliers en un tour-de-main. Nous les attendrons une bonne heure. Il a fallu aller quérir un tracteur …

La neige s’arrêtera en début d’après-midi, après-midi que nous passerons dans une zone magnifique, fortement escarpée … je suis le seul de notre ligne (uniquement d’archers) à voir un animal : un goupil qui se défile un peu trop loin, dans la pente.

Résultat de la journée … j’ai eu la seule réelle occasion parmi les chasseurs à l’arc, avec l’issue que l’on sait … de notre côté, pas de sanglier. Les autres auraient pu avoir une ou deux occasions mais compliquées au milieu des carabiniers, carabiniers qui ont tué un cerf – une seconde tête prometteuse – deux faons et, il me semble, 7 ou 8 sangliers dont deux beaux pépères respectables. La soirée commence sous une nouvelle averse de neige … neige annoncée pour toute la nuit. Nous rentrons.

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Nous revenons à Pierre Percée dimanche où nous chassons sur deux autres lots. Michel Lorrain, qui n’avait pu se libérer samedi, nous rejoint avec son éternelle jovialité … il est au courant, je ne sais comment, de mes atermoiements de la veille et me chambre un peu … nous en reparlerons !

Le tableau de la veille, important, conduira l’organisation à attaquer des enceintes moins fréquentées … une chevrette passera entre Pascal et Michel Lorrain sans que ce dernier ne la voit. Pas de rencontre pour nous … des images et des souvenirs plein la tête, nous quittons Pierre Percée !

Lundi nous retrouvons la Forêt de Haye “chez Michel Lorrain” . Quatre-vingt chasseurs sont attendus dont une quinzaine d’archers … la neige qui ne cesse de tomber entraine quelques défections.

En présence d’un tel effectif, l’organisation doit être millimétrée. Elle l’est. Nos particularités – de chasseurs à l’arc – sont prises en compte. Quatre lignes de carabiniers ferment une immense enceinte en régénération. Nous attendons qu’ils soient postés pour aller occuper, dans un silence absolu, l’allée centrale. Chacun s’enfonce dans un layon latéral d’une vingtaine de mètres. Puis les traqueurs entrent en action et parcourent en plusieurs étapes le terrain. La neige continue de tomber.

A peine ont-ils attaqué que je vois à travers les baliveaux à une quarantaine de mètres se défiler une compagnie … Des détonations se font entendre, régulièrement, tout autour.

Ainsi posté, et tout étant masqué par le neige, il est bien difficile d’imaginer où l’occasion peut se présenter … il est indispensable d’être attentif sur 360°, peu compatible avec la discrétion requise. J’ai décidé de rester debout et n’ai donc pas pris de siège.

Brutalement, des craquements trahissent l’arrivée d’un animal devant moi … en fait deux, que j’aperçois rapidement à travers les baliveaux. Ce sont deux sangliers identiques que j’évalue à une soixantaine de kilos. Ils giclent à bon train, sur ma gauche, entre l’allée centrale et ma position à une dizaine de mètres … ça va vite, mais sans aucune hésitation, mon arc monte, mes doigts s’ouvrent. Fooouac ! Ma flèche se fiche, plein thorax du premier. Il part avec la flèche … merde ! Elle est un peu haute mais dans le coffre gauche … cela, j’en suis certain … par contre, sa faible pénétration me préoccupe vraiment. Dans le feu de l’action, la seule explication qui me vient à l’esprit est une décoche en sous allonge – encore faudrait-il qu’elle soit importante pour être la seule raison – sous l’emprise du froid. Je n’ai pourtant pas l’impression que cela ait pu se produire. Je suis bien couvert et ne pense pas – j’en suis même certain – avoir accroché ma corde avec mes vêtements bien ajustés.

Les minutes s’égrènent. Rien de nouveau ne se passe sur mon secteur. Je retrouve aisément la voie empruntée par mes deux sangliers … elle est bien marquée de boue sur la neige. J’imagine retrouver rapidement la flèche, retombée – faible pénétration et nombreux baliveaux … que nenni sur les vingt premiers mètres que je parcours ! … pas davantage de sang ! … pas une goutte ! … pas plus sur les nombreux baliveaux que j’examine ! Le pied est parfaitement visible pour l’instant. La neige continue de tout effacer. Je marque copieusement de quelques brisées. Dans la neige, inutile de compter sur le papier que j’ai en poche.

Environ 30 minutes plus tard, les traqueurs arrivent. Je leur conte mon histoire et découvre dans le regard de l’un d’entre eux toute la perplexité d’un vieux traqueur de sangliers lorrain face à la fragilité du bout de bois que je tiens entre mes mains. Il finit par me lâcher : “c’est fort ?” . Un peu embarrassé, je lui réponds : “quoi ? … c’est fort ? … 56 # … c’est bien !” “Non ! C’est assez fort pour traverser un sanglier ?… pour tuer un sanglier ?” Je comprends mieux “Ah oui ! … suffisamment fort pour traverser un sanglier ! … mais un sanglier ça a des os ! … bien placée, une flèche est fatale !

Ils rappellent les chiens, attendent les retardataires … l’affaire traine en longueur … l’info qu’un sanglier avait été fléché revient … un sanglier qui a été fléché a été achevé par un carabinier … un très beau mâle ! … nouvelle raison, pour moi, d’être dubitatif. Cela ne correspond pas à mon évaluation .

La poussée reprend enfin … il ne reste plus beaucoup de terrain à couvrir. Ça va vite. Fin de traque. Je retrouve les copains Régis a fléché un renard. Personne d’autre ne semble avoir lâché de flèche … ça sent « meilleur ». Je retrouve à 150 m de ma position celui qui a écourté la fuite de “mon” sanglier. Ils étaient bien deux l’un marquant manifestement le pas. Il l’a tué d’une balle de cou. Il est bien plus beau que je ne l’avais estimé. Il a bien une plaie de bilame dans le coffre gauche, un peu haute, d’où s’échappe un peu de sang mousseux. Nous le ramenons au rendez-vous et le vidons. La lame traverse la paroi entre deux côtes, le haut du poumon gauche et se fiche dans un corps vertébral sans le fracturer. Voici l’explication de la faible pénétration. Un caillot d’un bon litre est présent dans le coffre. Il est pesé vidé : 65 kg … sans doute environ 80 sur pied. La flèche a été retrouvée par hasard à une centaine de mètres de moi, fut et lame ensemble mais séparés, la lame – une Werewolf 150 grains – s’étant brisée au niveau du filetage. Cinq centimètres plus bas, elle attrapait l’aorte et l’histoire était un peu différente. Dommage !

La balle a permis d’éviter une fastidieuse recherche dans la neige, sur un terrain très fréquenté, foulé par d’autres sangliers possiblement blessés bien qu’il y en ait eu peu dans l’enceinte . Il y a deux ans, à une centaine de mètres de ce poste, dans la même enceinte, j’avais fléché un pépère identique. Persuadé d’être passé au dessus, j’avais fini par retrouver la moitié de mon fut brisé en son milieu, plein de gras après avoir traversé le garrot …

Excepté le renard de Régis, il n’y a pas eu d’autre flèche lâchée .

Au tableau, il a une quinzaine de sangliers provenant de cette enceinte dont un d’environ 140 kg (pesé vidé à 112 kg) et un autre d’environ 120 kg, deux chevreuils. En conclusion de cette journée – de notre séjour lorrain – Michel Lorrain aura quelques mots gentils, je l’en remercie …

À l’année prochaine !

Alain FREYCHE.